Tout à commencer par
cette lettre écrite par Maria, pensionnaire de l'hôpital psychiatrique de
Vilette, issue de l'imagination de Paolo Coelho dans "Véronika décide de
mourir", destiné aux membres de la Fraternité:
"Lorsque j'étais
encore jeune avocate, j'ai lu un jour un poète anglais
et l'une de ses phrases m'a beaucoup marquée :
"Sois comme la source qui déborde et non comme l'étang qui
contient toujours la même eau". J'ai toujours pensé qu'il avait tort et qu'il était
dangereux de déborder, parce que nous risquions
d'inonder des régions où vivent
des personnes qui nous sont chères et de les noyer sous
notre amour et notre enthousiasme. Alors j'ai cherché toute ma vie à me comporter comme un étang, à ne jamais aller au-delà des limites
de mes murs intérieurs.
Il se trouve que, pour des raisons que je ne
comprendrais jamais, j'ai été
atteinte du syndrome de panique. Je suis devenue exactement ce que j'avais tenté d'éviter de toutes mes forces : une
source qui déborde et inonde tout autour de soi. Le résultat fut mon internement à
Villette.
Après que l'on m'eut
soigné, j'ai regagné l'étang et je vous ai rencontrés. Nous
avons vécu ensemble comme des poissons dans un
aquarium, satisfaits parce que quelqu'un nous jetait de la nourriture à heures fixes et que nous pouvions chaque fois que nous le désirions regarder le monde extérieur à travers la vitre.
Mais hier, à cause
d'un piano et d'une jeune femme qui est sans doute morte aujourd'hui, j'ai découvert quelque chose de très
important : La vie à l'intérieur
est identique à la vie au dehors. La bas comme ici, les
gens se réunissent en groupes, se protègent
derrière des murailles et ne laissent pas l'inconnu
pertirber leurs médiocres existences. Ils font des
choses parce qu'ils sont habitués à
le faires, ils étudient des sujets inutiles, ils se
divertissent parce qu'il faut se divertir et tant pis pour le reste du monde,
il n'a qu'à se débrouiller tout
seul. Au mieux, ils regardent le journal télévisé, comme nous l'avons fait si
souvent ensemble, uniquement pour s'assurer qu'ils sont parfaitement heureux
dans un monde rempli de problèmes et d'injustices.
Autrement dit la vie à la Fraternité
est exactement semblable à la vie que presque tous mènent à l'extérieur.
On évite de savoir ce qui se passe au délà des murs de verre de l'aquarium.
Pendant très longtemps cela m'a paru réconfortant
et utile. Mais les gens changent et maintenant je suis en quête
d'aventure, bien que j'ai soixante cinq ans et que je sache toutes les
restrictions que cet âge impose.
Je vais en Bosnie : il y a des gens la-bas,
même s'ils ne me connaissent pas encore et si moi non
plus je ne les connais pas. Mais je sais que je serais utile et que le risque
d'une aventure vaut mille jours de bien être et de
confort.
La lecture
du billet achevé, les membres de la Fraternité gagnèrent leur chambre et leur
infirmerie en se disant que Maria était devenue définitivement folle."